Ridván 1990
Ma chère Rúhíyyih Khánum,
Cette seconde
lettre que je vous envoie et que je navais point lintention
de rédiger a pour origine, depuis ma précédente
lettre remontant à déjà deux ans, jeue la
fortune de lire votre livre Le Gardien de la Foi
Baháíe. Ma lettre vous remémora
lallusion effroyable et totalement inattendue que Shoghi Effendi
fit au sujet de son propre trépas lors du pèlerinage
dIrène et de moi-même à la fin de 1952 et la
réaction fortement émotive quelle provoqua tout de
go de votre part. Vous pourrez ainsi comprendre mon étonnement
que vous ne vous rappeliez point de cet événement capital,
malgré une réflexion profonde, lorsque vous
écrivîtes les lignes suivantes apparaissant à la
page 518 de votre livre:
«Personne
ne pouvait songer et ne songeait que le temps alloué au pendule
intérieur de son cur touchait à sa fin... Je me
rappelle, en effet, quelques rares choses qui auraient pu être
significatives, mais certes elles n'ont rien signifié pour moi,
à l'époque. Je n'aurai jamais pu survivre à la
moindre prémonition de la mort du Gardiennat je n'y ai
survécu à la fin que parce que je ne pouvais abandonner ni
lui ni son uvvre précieuse, une uvre qui l'avait
tué avant même que quiconque ait cru que sa vie
finirait.»
Vous deviez
être bien surprise quen lisant ma lettre (à supposer
que vous layez parcourue), vous découvriez votre complet
oubli de lavis très clair que Shoghi Effendi avait
donné à ceux assis à la table un soir à
Haïfa, nommément que son trépas ne pouvait être
bien loin. De ceux qui entendirent cette déclaration
dimportance qui incluaient, en plus de vous, les autres membres du
Conseil international Baháí résidant de
façon permanente à Haïfa, Irène et
moi-même, seuls les trois de nous restent vivants
aujourdhui.
En narrant les
circonstances de cet avertissement dans ma précédente
lettre, vous reviendra-t-il peut-être à lesprit que
je vous rappelé que Shoghi Effendi lança cet avertissement
en mettant en parallèle la correspondance trop lourde
à supporter qui avait surchargé le Maître peu avant
Son ascension et léquivalente lourdissime correspondance
qui augmentait sans cesse et quil ne pouvait plus soutenir. Ce fut
lorsque vous entendîtes ces mots que vous avez sauté hors
de table et en pleurs êtes sortie de la pièce. Les paroles
réconfortantes que Shoghi Effendi vous apporta suite à
votre retour à table servirent apparemment à calmer vos
craintes, tout comme les nôtres, que cet impensable
événement était imminent et à enfouir
complètement hors de nos souvenirs cet événement de
mauvais augure. De façon assez surprenante, celui-ci ne vous est
point venu à lesprit, même lorsque vous
écrivîtes les lignes citées plus haut. Dans ma
dernière lettre, je mentionnais que je considérais fort
improbable que Shoghi Effendi ait formulé un semblable
avertissement à dautres, que ce soit avant ou après
cette rencontre. Vos commentaires révèlent le fait
quil ne lavait point de toute évidence fait. La
question reste donc: Pourquoi Shoghi Effendi avait choisi de lancer un
avertissement aussi déstabilisant que provocateur en notre
présence ce soir-là? Moult possibles raisons furent
soulignées dans ma précédente lettre. En y
réfléchissant encore, une explication non
mentionnée auparavant a durablement traversé mon esprit.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, Shoghi Effendi devait
avoir prévu quun jour il mincombera de vous rappeler
non seulement cet avertissement de son proche trépas, mais aussi
de tous les autres énoncés hautement significatifs
quil nous adressa ce soir-là qui fixèrent
définitivement lavenir même de notre Foi
bien-aimée et ses institutions divinement
désignées. Le fait que vous aviez réagi aussi
fortement et avec vive émotion à lavertissement de
Shoghi Effendi au sujet de son trépas prochain cette nuit
à la table à dîner confirma certainement vos paroles
citées plus haut que vous nauriez point été
capable de survivre à la pré-connaissance de sa mort.
Shoghi Effendi avait certainement senti cela et ce fut pour cette raison
quil na jamais été capable de vous confier
lidentité de celui quil avait déjà
désigné comme son successeur. Sil avait ouvertement
identifié cette personne à vous ou au monde
Baháí en général, cela aurait
équivalu à prévoir la proche fin de son
ministère, comme son successeur choisi était un homme de
plus de 20 ans son aîné et, bien que déjà
dun âge avancé, ce dernier lui survivra (en fait par
quelque 17 années). Non seulement une telle
pré-connaissance aurait eu leffet que vous aviez
mentionné, mais cela aurait certainement aussi paralysé
les autres croyants, à travers le monde
Baháí, dans leurs labeurs pour la Cause.
Lorsque nous nous
penchons sur ce problème sous cet angle, nous saisissons
dès lors que Shoghi Effendi fut confronté à un
dilemme de taille. Comment pouvait-il désigner la personne qu'il
avait choisie pour être son successeur «durant son
vivant» selon les stipulations mêmes du Testament de
`Abdu'l-Bahá et, simultanément, voiler ou obscurcir son
identité, pendant les années restantes de son
ministère, de telle façon que les croyants ne percevraient
pas immédiatement que cette responsabilité
interprétative s'approchait vers sa conclusion? Comme Shoghi
Effendi a si ingénieusement résolu ce problème et
tellement différemment de nos attentes présupposées
depuis longtemps sur la manière selon laquelle il devrait
désigner son successeur et même si j'ai déjà
discuté de ce sujet dans ma lettre précédente, ces
faits méritent d'être réitérés.
En
désignant son successeur le Gardien en devenir le
président ou chef du Conseil international Bahá'í
«cette première institution internationale
embryonnaire» Shoghi Effendi sétait bien
évidemment rendu compte que les croyants manqueraient du
discernement nécessaire pour percevoir la relation qui existait
entre son élu étant désigné président
de ce corps embryonnaire et sa continuation dans cette position comme ce
corps se développe à travers ses stades
intermédiaires d'évolution (comme le souligne sa
proclamation du 9 janvier 1951), pour atteindre in fine la
maturité comme pleinement développée Maison
universelle de justice exerçant tous ses pouvoirs. Nous n'avons
qu'à nous référer aux paroles du Maître
concernant le développement d'un organisme embryonnaire pour
confirmer ce fait, puisqu'Il affirme: «l'embryon possède
dès le début toutes les perfections, comme l'esprit, la
pensée... tous les pouvoirs mais ils ne sont pas visibles
et le deviennent seulement graduellement.» Avec ces paroles du
Maître à l'esprit, nous pouvons entendre pourquoi Shoghi
Effendi réfère au Conseil international
Bahá'í comme «institution» indiquant ainsi
qu'il n'est point une sorte de corps temporaire ou provisoire
créé hors des stipulations du Testament de
`Abdu'l-Bahá mais, en réalité, rien de moins que la
Maison universelle de justice en sa forme embryonnaire. Pour cette
raison, Shoghi Effendi devait maintenir le Conseil en un état
inactif, autrement il aurait dû lui-même en assumer la
présidence. C'est pourquoi il vous désigna comme
«liaison choisie» entre lui-même et le Conseil et ne
demanda jamais à son président (selon son
énoncé) de réunir le Conseil en un corps
fonctionnel durant les dernières années de son
ministère, mais assigna plutôt des responsabilités
à des membres individuels du Conseil uniquement.
Si un argument
encore plus persuasif est souhaité en vue de prouver quil
était lintention de Shoghi Effendi que le chef ou le
président du Conseil restera à sa tête à
travers les stades successifs de son développement, nous
navons quà nous remémorer les remarques que
Shoghi Effendi fit cette même soirée qui indiquèrent
de façon non équivoque celui quil avait choisi comme
son successeur. Nous avions encore failli à percevoir leur
signification à cause de nos idées
préconçues et attentes basées de fausses
interprétations des stipulations du Testament du Maître
comme le prouve, par exemple, les recherches, mal dirigées et
vaines, entreprises après le trépas de Shoghi Effendi pour
un testament. Quoique ceci fût aussi discuté dans ma
précédente lettre, il y a un point additionnel que
javais omis qui est de la plus grande importance comme il prouve
sans lombre dun doute que Mason était le successeur
choisi de Shoghi Effendi. Vous vous souvenez probablement de ma lettre
précédente que javais mentionné les remarques
que Shoghi Effendi fit concernant les stades évolutifs dans le
déroulement du Conseil international Baháí et
lorsquil discuta du stade second ou prochain de son
développement dans lequel il serait constitué en tant que
Cour internationale, il nous indiqua que Mason en deviendra alors le
juge (c'est-à-dire le juge en chef) de cette Cour. Et lorsque, de
façon encore plus significative, il se tourna vers Mason à
sa table et lui demanda sil était prêt à
être juge, il le mit distinctement à part des autres
membres du Conseil assis à la même table ce soir-là,
eux qui évidemment seraient néanmoins des juges
associés sur cette Cour.
Cette
référence à Mason comme futur juge en chef de cette
Cour et la responsabilité quil lui assigna par sa demande
nous auraient frappés davantage si nous avions saisi la
signification réelle et les implications de la proclamation de
Shoghi Effendi publiée presque un an plus tôt dans laquelle
il annonça cette «décision marquant un point
significatif et sans pareil» de créer le Conseil
international Baháí comme
«lévénement le plus significatif dans
lévolution de lordre administratif» et
«lévénement le plus grand,
répandant léclat sur la deuxième
époque de lâge formatif de la dispensation
Baháíe... occupant un rang secondaire seulement aux
événements immortels et glorieux associés avec les
ministères des trois Figures centrales de la Foi.»
Car si nous avions perçu la signification de cette proclamation
ou même seulement nous poser la question pourquoi il utilisa les
termes superlatifs en annonçant cet événement,
peut-être nous nous serions préparés à
considérer les implications du rôle, des fonctions et de
lautorité que Mason allait devoir exercer comme juge en
chef de la Cour internationale Baháíe. Nous aurions
noté que dans les buts de la croisade mondiale de Dix Ans, cette
Cour internationale cette Cour suprême dans le monde
Baháí et prédécesseur de la Maison
universelle de justice devait être appelée à
exercer la juridiction sur six Cours nationales
Baháíes (elles-mêmes issues des
Assemblées spirituelles nationales) établies dans certains
pays musulmans désignés par Shoghi Effendi où elles
seraient autorisées à appliquer les lois de
Baháulláh et autres lois subsidiaires comme le
requerrait ladministration de la justice
Baháíe pour les croyants de ces pays. Si nous avions
considéré le rôle, les fonctions et
lautorité du juge en chef de la Cour internationale sous
ces circonstances et à la lumière des stipulations du
Testament qui sappliquent au rôle du Gardien en tant que
«chef sacré et membre distingué à
vie» de la Maison universelle de justice, nous nous
serions alors rendu compte que seul le Gardien de la Foi peut
présider en tant que juge en chef de cette Cour. Car, comme nous
le savons, le Testament de `Abdul-Bahá confère
lautorité uniquement au Gardien de la Foi pour
interpréter les écrits sacrés
Baháís et pour adjuger la propriété de
telles lois subsidiaires que pourrait envisager la Maison universelle de
justice et lorsque nécessaire requiert leur
reconsidération pour ne point contrevenir aux lois de
Baháulláh. Voilà largument
principal que je souhaite étayer. Le fait que Shoghi Effendi nous
a dit spécifiquement que Mason devait être le juge en chef
de cette cour suprême qui sera établie en Terre sainte
prouve de façon concluante et irréfutable que Mason Remey
était bel et bien le successeur désigné de Shoghi
Effendi.
Ce que nous
avions évidemment manqué de percevoir fut que, en nous
disant que Mason allait devenir le juge en chef de cette cour
internationale, laquelle, comme nous lavons
démontré, nétait rien dautre
quune position synonyme du gardiennat, Shoghi Effendi, en fait,
faisait entendre la sombre prédiction que sa propre cession aura
lieu avant létablissement de cette cour prévue
à avoir lieu durant la croisade mondiale de Dix Ans (son
trépas arriva presque au beau milieu de la croisade).
Shoghi Effendi
sétait certainement rendu compte que nul d'entre nous en
entendant ses paroles ce soir-là ne saisirait leur importance ou
la signification de la requête qu'il adressa directement à
Mason. Il devait entretenir l'espoir que nous nous remémorerons
cette conversation après son décès et alors
informerons les Baháís à travers le globe
qui, de concert avec les Mains de la Cause, attendaient de façon
erronée d'apprendre le successeur de Shoghi Effendi par le
truchement d'un testament. Ils auraient appris, en fait, que Shoghi
Effendi avait nommé son successeur quelques six années
avant son trépas en conformité avec les stipulations du
Testament du Maître et avait ainsi pourvu à la
continuité ininterrompue et durable du gardiennat depuis le
moment même de sa mort. Si vous, en particulier, vous étiez
remémoré cette conversation, saisi sa pleine signification
et dès lors informé les autres Mains, les masses
Bahá'íes à travers le monde n'auraient jamais
abandonné le gardiennat, les ramifications desquelles si elles
devaient permaner, conduira inexorablement à la destruction de
l'ordre mondial de Baháulláh. Dans mon propre
cas, j'ai moi aussi failli à comprendre l'importance des paroles
de Shoghi Effendi même si je prenais des notes lorsqu'il parlait.
Ce ne fut que plusieurs années plus tard lorsque Mason, ayant
passé à travers une période de gestation de
quelques neuf années depuis sa nomination en tant que Gardien en
devenir (c'est-à-dire comme président du Conseil
international Bahá'í) et quelques deux ans et demi suite
au trépas de Shoghi Effendi, envoya sa proclamation au monde
Baháí à Ridván 1960 que tout cela me
devint si clair de façon indéniable. Avec cette
réalisation, je ne pouvais faire rien de moins que lui donner mon
appui entier et complet même si cela signifiait me séparer
de ma famille, de mes amis de longue date et de beaucoup d'activités
pour la Cause, assistant à la dissolution illégale de
l'assemblée nationale des Bahá'ís de France,
être démis de mes fonctions comme membre du corps
auxiliaire européen et accepter le douloureux ostracisme que
j'étais certain de devoir endurer. Comment autrement aurais-je pu
me montrer fidèle au Covenant de
Baháulláh, à l'Enfant immortel de ce
Covenant et au Centre de la Cause?
Finalement,
voilà qu'il est devenu évident que la puissante et
hautement révélatrice prophétie du Maître
à l'endroit de Mason Remey concernant son futur rôle
contenu dans une Tablette qu'Il lui avait adressé dès 1915
a été accomplie:
«En
vérité, je supplie Dieu de te confirmer en toute
circonstance. Ne te décourage point, ni ne sois triste. Avant
peu, ton Seigneur te fera le symbole de direction pour
lhumanité.» (Star of the West,
volume V, numéro 19, 2 mars 1915).
Considérons la dernière partie du passage
cité de votre livre à la première page de cette
lettre. Vous affirmez que vous naviez point été capable de
survivre à la mort du Gardien «parce que
je ne pouvais abandonner ni lui ni son uvre
précieuse...» Ce sentiment est certes
compréhensible considérant votre grand amour pour lui et
votre appréciation, plus que quiconque dentre nous, de ses
labeurs dévoués, infatigables et magnifiques durant son
ministère de 36 ans pour le triomphe de la foi et
lérection des institutions de lordre administratif de
Baháulláh, comme les dépeint le
Testament de `Abdul-Bahá. Je trouve paradoxal dans votre
énoncé que, malgré ce sentiment, vous avez
consenti, sinon carrément présidé, au
démantèlement des institutions internationales mêmes
de la foi dont létablissement final pendant les ultimes
années de son ministère représentaient le
couronnement des efforts inlassables, ardus et dédiés de
Shoghi Effendi pour ériger la machinerie administrative de la
foi. Ces accomplissements ne furent-ils point salués par lui dans
un véritable déluge de télégrammes
mémorables et historiques au monde Baháí
(comme le contient le livre MESSAGES TO THE BAHÁÍ
WORLD, 1950-1957) proclamant le fait que ces institutions
internationales avaient finalement été établies?
Par exemple, dans son message du 30 juin 1952 (quelques 5 mois
précédant notre pèlerinage) il affirma:
«Au
Centre mondial de la Foi, où, enfin, le mécanisme de ses
institutions les plus importantes a été établi, et
autour des Tombeaux les plus sacrés, les organes suprêmes
de son ordre en éclosion se déploient dans leur forme
embryonnaire.»
Ces
«institutions les plus importantes» et
«organes suprêmes» qui avaient
été finalement érigées en leur forme
embryonnaire nétaient-elles rien dautre que la Maison
universelle de justice (cest-à-dire le Conseil
international Baháí) et linstitution des mains
de la Cause? Rien détonnant, dès lors, que Shoghi
Effendi annonça avec joie au monde Baháí que la
«fédération mondiale embryonnaire de
Baháulláh» avait
été établie dans toute sa perfection et quil
pouvait, alors que son ministère sapprochait de sa fin, tirer la
plus grande satisfaction et limmense bonheur de savoir quil
avait fidèlement rempli, avec lérection de ces
institutions, la planification et linauguration de la croisade
mondiale de Dix Ans, tous les mandats que nous a légués le
Maître.
Submergé
comme le monde Baháí létait avec les
victoires propices et importantes pour la Foi sur tous les fronts
pendant ces années finales du ministère de Shoghi Effendi,
qui aurait pu imaginer que dans lespace de seulement quelques
années après son trépas les accomplissements
historiques exécutés de sa propre main en érigeant enfin les
«organes suprêmes» de lordre administratif au
centre mondial de la Foi seraient réduits à néant
par ces croyants quil avait si récemment
élevé au rang de Serviteur principaux de cet ordre? Qui
aurait cru que ces Mains de la Cause, lorsque soumises à
lépreuve, étaleraient une ignorance aussi
malheureuse et une compréhension aussi pauvre des plus
importantes stipulations du Testament du Maître et si rapidement,
avec une seule exception notable, perdraient foi en
limmortalité, limmuabilité et
linviolabilité de la charte de lordre mondial de
Baháulláh écrite de la plume de
`Abdul-Bahá ou même seraient aussi perfides pour
perpétrer les actes ignominieux suivants?:
Abandonner le gardiennat vivant de la Foi et le
déclarer terminé pour toujours.
Établir, sans la moindre autorité, un
corps composé de leur propre nombre complètement
étranger aux stipulations du Testament du Maître auquel
elles conférèrent lautorité de diriger les
affaires de la Foi jusquà la mise en place dune
fallacieuse Maison universelle de justice (cest-à-dire sans
Gardien) de leur propre fabrication en 1963.
Renverser la
tête de lembryonnaire Maison universelle de justice
le Conseil international Baháí
créé par Shoghi Effendi en 1951 et annuler les plans pour
le développement futur du Conseil à travers les stades
successifs comme le souligne Shoghi Effendi lui-même.
Mettre en
place en 1963 leur soi-disant Maison universelle de justice
décapitée, en prétendant nonobstant que ce corps
dépourvu de «sa tête sacrée et membre
distingué à vie» serait doté non seulement
avec la même autorité et infaillibilité que celui
décrit dans le Testament du Maître, mais serait aussi avec
les prérogatives qui ne sont pourtant du ressort que du vivant
Gardien de la Foi.
Détruire linstitution des Mains de la Cause
et laisser ces Mains désignées par Shoghi Effendi
privées de guide jusquà ce quelles se soient
éteintes (comme les Mains travaillent sous la direction, comme
leur nom même limplique, du chef de la Foi le
Gardien).
Favoriser la
conception fallacieuse parmi les croyants que Shoghi Effendi serait le
seul et unique Gardien de la Foi et, ainsi, la quatrième figure
centrale de la Foi (comme vous lavez fait dans votre livre). Une
telle conception est complètement contraire à tout ce que
Shoghi Effendi écrivit sur le gardiennat et aux stipulations du
Testament du Maître qui tous deux révèlent
clairement que le Gardien nemporte pas sa station avec lui dans
lautre monde, mais bien que le gardiennat est une fonction de ce
monde-ci. Cest pourquoi une lignée ininterrompue de
Gardiens vivants peut sauvegarder la Foi de schismes en tant que seul
interprète des écrits saints Baháís et
protéger les lois de Baháulláh de la
corruption en tant que chefs indispensables et sacrés de la
Maison universelle de justice tout au long des siècles de la
Dispensation de Baháulláh.
Déclarer le gardiennat vivant clos, en rendant
automatiquement invalides ces stipulations dans les constitutions
Baháíes nationales qui confèrent
lautorité suprême au Gardien en tant que chef de la
Foi; ces constitutions se basent sur la Déclaration de fiducie
des Bahais de lAssemblée spirituelle nationale des
états-Unis et du Canada qui fut approuvée par Shoghi
Effendi comme modèle à suivre pour toutes les
constitutions préparées par les corps
Baháís nationaux à travers le monde. Je trouve
incompréhensible que celle qui a aimé Shoghi Effendi si
profondément et qui a tellement chéri et
apprécié ses magnifiques accomplissements, ait non seulement
approuvé, sinon dirigé, le démantèlement des
institutions quil a si laborieusement et patiemment
érigées durant son ministère mais, dans le
processus, quoique involontairement, ait aussi invalidé et
discrédité la plus grande partie de ses écrits sans
pareil sur des sujets tels le Testament de `Abdul-Bahá et
lordre administratif de Baháulláh. Un
plus grand tort à Shoghi Effendi peut-il être même
imaginé que celui-là? Les futures
générations de Baháís seront-elles
attendues de donner de la crédibilité due aux
écrits de Shoghi Effendi sur dautres sujets lorsque, si,
par exemple, on leur demande dignorer ce quil a écrit
sur le caractère sacré, limmortalité et
linviolabilité du Testament de `Abdul-Bahá? Le
chapitre intitulé: «Avènement et instauration de
lordre administratif»: sera-t-il effacé de ce livre:
Dieu passe près de nous ou le chapitre intitulé:
«Lordre administratif»: sera-t-il aussi effacé
de La Dispensation de Baháulláh parce
quils ne seraient plus valides? Sont-ils censés croire que
les écrits suivants de Shoghi Effendi glorifiant la charte divine
composée par la plume infaillible du Maître naurait
plus aucune signification?:
«Son plus
grand legs à la postérité.»
«La plus
brillante conception de Son esprit.»
Son «acte
suprême.»
Le
«Testament de `Abdul-Bahá qui, avec le
Kitáb-i-Aqdas, constitue le réceptacle principal dans
lequel sont enchâssés les éléments
inestimables de cette civilisation divine dont
létablissement est la mission première de la Foi
Baháíe.»
«Ce
chef-duvre divin que la main du Maître Architecte du monde
a conçu pour lunification et le triomphe de la Foi mondiale
de Baháulláh.»
«LEnfant du Covenant
lHéritier de celui qui fut à la fois lAuteur
et lInterprète de la loi de Dieu.»
«La charte
du nouvel ordre mondial de Baháulláh.»
Ils sont «[le
Kitáb-i-Aqdas et le Testament de `Abdul-Bahá] non
seulement complémentaires mais... se confirment mutuellement et
sont les parties inséparables dun seul et même
tout.» Certes, le temps
nest point éloigné lorsque vous rencontrerez Shoghi
Effendi dans lautre monde. Votre joie de le rencontrer à
nouveau sera certainement éclipsée par la connaissance que
vous apprendrez que paradoxalement vous avez permis au grand amour que
vous lui portiez devenir le voile même qui conduisit à
labandon du gardiennat comme institution continuelle de
lordre administratif Baháí et votre rejet
subséquent de son successeur choisi. Je ne sais comment vous
serez capable de lui expliquer ou de lui justifier vos actes ou votre
connaissance des actes dautrui qui tous deux
résultèrent avec de telles désastreuses
conséquences pour le futur de notre Foi bien-aimée et
lexistence continue de lordre mondial de
Baháulláh. Comment expliquerez-vous votre
manque de foi dans les plus importantes stipulations de la charte divine
de `Abdul-Bahá dont le caractère sacré,
limmortalité et immuabilité égalent celles du
Livre le plus saint de Baháulláh? Si vous ne
percevez pas lénormité de cette violation du
Covenant de Baháulláh avant votre dernier
souffle et faites amende honorable, vous le ferez certainement dans
lautre monde et il sera alors trop tard. Dans ce cas, vous devrez
vivre avec lhorrible connaissance de cette tragique trahison
à travers léternité. Il est donc de mon
ardent espoir que, pour votre propre salut et pour la Cause, vous
réfléchirez et reconsidérerez avec soin, à
la lumière de ce que jai écrit ci-dessus, la
position que vous avez prise contre la continuité du gardiennat,
trouverez lhumilité et le courage pour admettre votre
erreur et vous rallierez à ceux qui ont travaillé toutes
ces nombreuses années pour la victoire du Covenant et la vie
renouvelée de ce divinement conçu «Enfant du
Covenant.»
Vos chers
parents, aussi, doivent être grandement attristés que celle
qui fut la plus proche de Shoghi Effendi que quiconque en tant que son
épouse affectueuse et qui la servi si fidèlement,
avec dévotion et abnégation durant son glorieux
ministère, ait, après son trépas, permis à son
grand amour pour lui de devenir le voile même qui obscurcit sa
compréhension et sa reconnaissance de son intention et de son but
en ce qui concerne la continuité du gardiennat et, ainsi, ait aussi
conduit à sa répudiation des dispositions majeures du
Testament de `Abdul-Bahá et sa violation du Covenant de
Baháulláh. Certes, ils doivent ardemment
espérer et prier que vous perceviez la grande erreur que vous
avez commise et abandonniez tout de go votre soutien continu ou si ce
nest même votre conduite de ces croyants induits en erreur
qui arrachent le cur, coupent la tête et les mains de ce
divinement conçu et parfait «Enfant du
Covenant» et qui tentent dimposer au monde
Baháí au lieu de ce parfait
«Enfant» une caricature
déformée, démembrée, quils osent
feindre être similaire à lordre administratif que
nous a laissé la plume infaillible de `Abdul-Bahá.
Jai
beaucoup réfléchi à votre chère mère,
depuis ma récente lettre, me remémorant la dernière
fois où je lai vue. Je fus fort privilégié de
figurer parmi le groupe de croyants new-yorkais qui la visitèrent
à bord de son navire avant quil ne mette les voiles pour
lAmérique du Sud; qui eurent eu la chance
déchanger quelques mots dadieu avant son
départ et qui agitèrent leur mouchoir en guise
dadieu final et triste pour elle alors que son navire quitte le
quai en direction de Buenos Aires où elle était
destinée à accomplir son ultime acte mémorable de
service pour la Cause quelle avait si fidèlement et avec
tant de dévotion servie et à cela se rajouta à ses
états de service inoubliables la couronne éclatante du
martyr. En regardant en rétrospective, je sens que le lien
spirituel que nous avions forgés pendant les jours quelle
passa à New York avant son départ conduisit à mon
voyage pour la France plusieurs années plus tard, le
théâtre de ses quelques-unes de ses premières
victoires pour la Cause qui lui valurent le titre de
«Mère de Paris.» Lorsque je ressentis
le besoin impérieux de devenir pionnier en Europe en
réponse au second plan denseignement de Sept Ans, la France
navait jamais effleuré mon esprit. Les circonstances qui
ont abouti finalement à mon arrivée à Paris et plus
tard à Orléans ne furent à moi rien de moins que
miraculeuses. Je ne peux que conclure que cest en grande partie
grâce à lintercession de votre mère en mon nom
dans lautre monde qui ma permis de réaliser ce
désir et de métablir en France, où jai
passé quelques-uns de mes plus productifs et heureux jours de ma
vie en servant la Foi pour une durée de 18 ans. Comme vous le
savez, jai pu apporter mon aide à la formation de la
première Assemblée spirituelle des
Baháís de France et eu lhonneur den
être son président. De façon significative et au
crédit éternel de cette Assemblée, ce fut la seule
dans le monde Baháí qui, lors de la réception
de la proclamation du second Gardien de la Foi à Ridván
1960, refusa de se laisser influencer par lédit des Mains
de la Cause à Haïfa de rejeter du revers de la main ses
arguments pour le gardiennat. (Les Mains nayant aucune
autorité pour obliger les Assemblées nationales à
faire quoique ce soit.) À la place, lAssemblée
étudia cette proclamation, réétudia le Testament et
les références applicables des écrits,
prièrent et après consultation vota et passa une
résolution reconnaissant Mason Remey en tant que second Gardien
de la Foi, trouvant les revendications et preuves
présentés dans sa proclamation bien fondés,
logiques et entièrement valides.
En concluant
cette lettre, je voudrais aborder une question qui na rien
à voir avec le thème principal de cette missive, mais qui
a trait à une merveilleuse uvre graphique
créée par Shoghi Effendi qui pourrait avoir
été tout sauf oubliée et peut-être jamais vue
par la nouvelle génération de Baháís.
Comme elle représente graphiquement de manière si unique
et magnifique lexécution du mandat que nous a laissé
les Tablettes du plan divin rédigées par le Maître,
je suis certain que vous conviendrez que cette uvre doit être
exposée dans un lieu approprié où les futures
générations Baháíes pourront voir,
admirer et apprécier. Je me réfère à la
carte du monde sur laquelle Shoghi Effendi avait surimposé en
forme graphique les buts du «Plan international
denseignement et de consolidation de Dix Ans» (Ten
Year International Baháí Teaching and Consolidation
Plan), plus communément appelé la croisade mondiale de Dix
Ans. Peu après larrivée dIrène et de
moi-même en pèlerinage, Shoghi Effendi plaça entre
mes mains, pour étude, loriginal de cette magnifique carte
qui navait pas encore été publiée. Je fus
profondément ému par cet acte et honoré
dêtre chargé de cette précieuse carte pendant
la période de notre pèlerinage. À mon retour en
France, le moment venu, je reçus une copie du livret qui fut
publié contenant les diverses listes des buts de la croisade et,
en annexe, une carte pliée reproduisant celle que Shoghi Effendi
mavait confié pour étude à Haïfa. Je
voulu rendre hommage à ce merveilleux ouvrage et il me parut que
la meilleure façon est de le reproduire aussi fidèlement
que possible sur une grande carte qui pourrait être
accrochée sur le mur. En conséquence, une grande carte du
monde fut obtenue à Paris mesurant quelque 8 pieds par 12 pieds
qui fut alors suspendue sur le mur des pièces de notre maison
à des fins de reproduction. Après avoir travaillé
sur cette carte pendant plusieurs mois, pendant mes temps libres, une
assez bonne reproduction fut prête à temps pour la
Conférence intercontinentale qui eut lieu à Francfort en
juillet 1958 où elle fut suspendue sur le mur du foyer du hall
pour la conférence. Plus tard, jai vu cette carte
accrochée au mur du Hazíratul-Quds à
Francfort où elle se trouve probablement encore. Pour que cette
carte puisse avoir une exposition maximale dans le futur, il semblerait
plus approprié daccrocher celle-ci ou une reproduction
à un mur dun immeuble au centre mondial; autrement la carte
pliée et figurant en annexe ne sera jamais vue et
appréciée, sinon par quelques rares chercheurs dans les
années à venir.
Il ne saurait y
avoir de conclusion plus convenable à cette lettre quun
passage de Dieu passe près de nous (p.25-26) qui affirme
si magnifiquement ce que jai essayé si
inadéquatement dexprimer au sujet du divinement
conçu, divinement ordonné et divinement
désigné ordre de Baháulláh,
comme le dépeint le Testament de `Abdul-Bahá:
«Il faut
noter à ce sujet que, dans la troisième vahíd de ce
livre [le Bayán], il existe un passage qui, à la fois par
sa référence explicite au nom du Promis et par son
anticipation de l'ordre qui, plus tard, devait s'identifier avec sa
révélation, mérite d'être compté comme
l'une des déclarations les plus importantes contenues dans toutes
les uvres du Báb. Bienheureux celui, déclare-t-Il de
manière prophétique, qui fixe son regard sur l'ordre de
Bahá'u'lláh et qui rend grâce à son Seigneur.
Car celui-ci sera certainement manifesté. Dieu l'a, en
vérité, irrévocablement fixé dans le
Bayán. C'est avec ce même ordre que le fondateur de la
révélation promise introduisant cette même
expression dans son Kitáb-i-Aqdas identifia, vingt ans
plus tard, le système envisagé dans ce livre, affirmant
que ce très grand ordre avait troublé
l'équilibre du monde et bouleversé l'ordre
établi dans la vie humaine. Ce sont les caractéristiques
de cet ordre même dont, à un stade ultérieur de
l'évolution de la foi, le Centre du Covenant de
Bahá'u'lláh, l'interprète choisi de ses
enseignements, a tracé les grandes lignes dans les clauses de ses
dernières volontés et de son Testament. C'est la base
constructive de ce même ordre que, dans l'âge de formation
de cette même foi, les serviteurs de ce même Covenant
les représentants élus de la communauté mondiale
Bahá'í sont maintenant en train d'établir
laborieusement et en parfait accord. C'est la superstructure de ce
même ordre, parvenu à son plein développement avec
la naissance de la communauté mondiale Bahá'í
le royaume de Dieu sur la terre , que l'âge d'or de cette
même dispensation doit finalement contempler, quand les temps
seront révolus.»
Fidèlement
au service du Covenant,
Joel Bray
Marangella