Ridván 1988

Ma chère Rúhíyyih Khánum,

J’ose espérer que vous lirez cette lettre que j’aurais dû vous écrire il y a des années. Je n’aurais pu l’écrire à l’époque mais récemment j’ai ressenti la forte émotion que Shoghi Effendi m’encourage à vous écrire pour vous remémorer deux énoncés fortement significatifs qu’il fit lors de l’inoubliable pèlerinage d’Irène et de moi-même en Terre sainte durant la période s’étendant du 28 novembre au 7 décembre 1952 — énoncés qui devaient avoir une portée si grave sur les événements devant transpirer 5 ans plus tard avec de lourdes conséquences pour notre Foi bien-aimée. Maintenant que plus de trente années sont passées depuis que Shoghi Effendi fut retiré de notre présence, le passage du temps a, je l’espère, permis de cicatriser le traumatisme, l’angoisse, la douleur mentale et le deuil de ce tragique événement et de vous rendre capable de considérer avec un cœur ouvert les énoncés que je vais ramener à la surface, un parmi lesquels apporta une si forte réaction émotive de votre part, et de réfléchir sur leurs signification et implications. Vous vous rappellerez sans aucun doute du premier énoncé. Toutefois, il est très douteux que vous vous souveniez du second, quoique ce dernier confirme, indirectement, le premier, mais recélait une autre signification que nous tous assis en présence de Shoghi Effendi manquâmes de saisir. Plusieurs années durent passer, en révisant mes Notes de Haïfa, avant que les implications significatives des écrits de Shoghi Effendi ne soient comprises pour la première fois.

Lorsque je me suis mis à écrire cette lettre, je réfléchis à la première occasion où je vous ai rencontré. C’était au Congrès national Bahá’í à Montréal, au Canada, durant Ridván 1927. Ma sœur jumelle et moi-même accompagnâmes nos parents dans ce Congrès. Je me souviens être avec un groupe d’enfants que vous preniez avec vous pour les amuser pendant une des sessions du Congrès. Assez curieusement, c’est le seul événement que je garde en mémoire du Congrès tenu il y a tant d’années. Je jetai encore un regard à la photographie du Congrès apparaissant dans The Bahá’í World pour les années 1926-1928 et remarquai que vous n’y étiez point, mais que votre mère bien-aimée y était assise près de Keith. Ma sœur et moi-même sommes les seuls enfants dans la photographie et nous nous tenons debout au centre du groupe, le plus grand Nom entre les mains avec nos parents à notre droite. C’est une photographie particulièrement merveilleuse dans laquelle on peut y trouver tant de croyants des débuts, qui ne s’étaient pas juste distingués dans leur service pour la Foi, mais étaient bien destinés à gagner moult autres lauriers dans les années à venir. Quoique nous ne nous soyons pas rencontrés durant les 25 ans qui se sont écoulées entre ce Congrès et notre rencontre à Haïfa, je me rappelle vous avoir aperçu de loin à plusieurs reprises à Green Acre et à Willmette. Il ne nous restait plus qu’à faire un brin de causette pour la première fois à Haïfa et je me souviens que l’une des premières choses que vous m’ayez dites, et qui me toucha beaucoup, était que vous aviez gardé dans votre livre de prières le très inadéquat poème que j’avais composé suite au décès de votre mère à Buenos Aires en 1940 et qui avait alors été envoyé à Shoghi Effendi. Contrairement à mon père, qui était doué pour la poésie, et, comme vous le savez, a composé moult poèmes, ce fut le seul poème que j’écrivis de toute ma vie. Malheureusement, je n’en avais pas conservé une copie pour moi-même et la seule ligne que je puisse me rappeler est la dernière où je décris votre mère comme « une héroïne, une martyr et une sainte. »

Parlant de votre mère, je dois continuer à m’écarter du but premier de cette lettre pour vous narrer la merveilleuse expérience spirituelle que j’éprouvai dans la ville de New York peu de temps seulement avant qu’elle ne mette toutes voiles dehors vers son fatidique voyage vers l’Argentine où elle devint une glorieuse martyr pour notre Cause bien-aimée. Votre cousine, Jeanne, et moi, avions planifié d’aller à un spectacle un soir. Auparavant, nous avions été invités par votre mère à dîner avec elle. Nous devons nous avoir rencontrés sur la 57ème rue avec votre mère entre nous tenant chacun de nous par les bras alors qu’elle conversait avec nous dans sa tendre manière inimitable pendant que nous nous dirigions vers l’hôtel près de là. Il devait être 19 heures lorsque nous entrâmes dans la salle à manger qui était remplie à pleine capacité. Votre mère commença à nous raconter quelques unes de ses expériences avec Shoghi Effendi à Haïfa. Nous devîmes si totalement absorbés et fascinés par ce qu’elle disait que nous perdîmes tout sens de temps ou de lieu. Lorsque nous nous sommes finalement extirpés de cet état de transe, nous découvrîmes que nous étions les derniers dans la salle à manger, les autres nous ayant laissés sans que nous nous en soyons rendu compte. Je ne peux décrire ces mémorables événements que comme si j’étais au paradis et son souvenir reste ancré dans mon esprit jusqu’à ce jour. La joie de vivre spirituelle que je ressentis ne devait jamais plus se répéter jusqu’à ce qu’arrivent, après moult années, ces jours inoubliables passés en présence de Shoghi Effendi. Comme vous le savez, j’ai passé ma tendre enfance en grandissant à Green Acre et par conséquent vint à connaître la plupart des croyants distingués d’alors mais j’ai trouvé en votre mère une qualité spéciale qui la mettait à part, en ce qui me concerne. C’est cette expérience en sa présence qui m’a aidé à réaliser sa grandeur spirituelle et me poussa à lui rendre hommage dans mon poème écrit à l’occasion de son ultime destination.

Pour revenir au but de cette lettre. Au troisième jour de notre pèlerinage, nous nous rencontrâmes comme d’habitude à la table à dîner en présence de Shoghi Effendi. Le groupe placé à la table consistait, en plus de vous, de cinq autres membres du Conseil international Bahá’í, y compris son président, Mason, et son secrétaire général, Leroy (Ugo et Amelia étant absents), Sylvia, devant encore être nommée, et Irène et moi-même comme les seuls pèlerins présents.

Shoghi Effendi préfaça l’énoncé ahurissant, complètement inattendu et hautement confondant qu’il était sur le point de faire en remémorant le fardeau énorme sous lequel le Maître avait trimé, alors que Son ascension s’approchait inexorablement, en maintenant Sa volumineuse correspondance. Soudainement, il laissa tomber une bombe verbale en prononçant ces mot à cet effet: « Désormais ma correspondance est telle que je ne peux plus le supporter. » Vous devez certainement vous rappeler que, à peine avait-il fait cette remarque, vous avez bondi de la table et rapidement êtes sortie en pleurs de la pièce, pour y revenir seulement lorsque vous vous étiez calmée. Shoghi Effendi nous a alors dits quelques mots consolateurs qui ont servi à apaiser nos émotions et amoindrir nos craintes qu’un événement si impensable ne puisse survenir.

Shoghi Effendi devait certainement avoir eu un but en faisant allusion si clairement à son décès dans ce qui ne pouvait qu’être interprété comme l’avenir rapproché. Pourquoi avait-il saisi cette occasion et avait-il choisi cet auditoire particulier pour le faire de la sorte? Et pourquoi Irène et moi fûmes choisis à être au courant de cette suggestion ahurissante et fortement inquiétante? Avait-il fait une telle allusion à d’autres? Il apparaît qu’il ne l’avait pas fait puisque, si tel avait été le cas, la nouvelle se serait répandue comme une traînée de poudre dans le monde Bahá’í. Et si elle avait été confirmée, elle les aurait jeté dans une telle consternation qu’elle aurait pu causer obstacle à l’accomplissement des buts de la croisade mondiale de Dix Ans que la communauté mondiale Bahá’íe devait bientôt entreprendre.

Quoique je ne sois pas présomptueux au point d’affirmer que je saurais quel(s) but(s) Shoghi Effendi avait à l’esprit en faisant si clairement allusion à son décès, il savait déjà certainement que cela aura un impact énorme sur nous tous tandis que certains d’entre nous en seront affecté d’une façon particulière. Par exemple:

  • Étant son épouse, vous étiez la plus proche de lui et la seule (à moins que vous ne l’ayez confié à d’aucuns) qui savait que Shoghi Effendi ne laisserait pas de fils pour lui succéder en tant que Gardien. Au cours des années, nous captâmes l’ouï-dire que vous auriez conçu un fils dont l’existence aurait été conservé secrète en le cachant au loin en Europe ou ailleurs pendant qu’il grandirait jusqu’à ce qu’il devienne approprié de l’introduire aux croyants. Shoghi Effendi savait certainement, comme le prouve votre réaction profondément émotive à son allusion qu’il fit au sujet de son trépas, que sa mort serait un si déchirant et si terrible événement qu’il aurait été extrêmement difficile, sinon impossible, pour vous de supporter l’idée que quiconque prenne sa place comme second Gardien de la Foi. Espérait-il donc, par cette avertissement, vous préparer à l’avance, dans une certaine mesure, qu’un tel événement aurait lieu dans les cinq années à venir?

  • Quant à Mason, il est affecté d’une façon unique et particulièrement importante en tant que président du Conseil international Bahá’í. Dans une déclaration que Shoghi Effendi allait ajouter juste quelques minutes plus tard, il souligne non seulement le rôle futur de Mason Remey comme président de ce Conseil, mais corrobore de plus, par ricochet, son avertissement précédent pour, cette fois, nous donner même un élément de temps.

  • Quant aux autres membres du Conseil international, secoués comme ils l’étaient par la pensée de son trépas, ils purent alors commencer à considérer et à réfléchir avec espoir à la façon par laquelle le Conseil sera affecté une fois qu’il aura été amené comme corps administratif fonctionnant activement sous la présidence de Mason.

  • Quant à Irène et moi-même, j’estime qu’il savait que j’avais gagné une vision divine, par ses écrits, de la gloire et la perfection de l’ordre mondial de Bahá’u’lláh qui allait rester avec moi éternellement, jointe avec une foi inébranlable dans les caractères sacré, immortel et immuable de la Charte divine de `Abdu’l-Bahá — une Charte qui unie avec le Kitáb-i-Aqdas, comme il le souligne, « constitue le réceptacle principal dans lequel sont enchâssés les éléments inestimables de cette civilisation divine dont l’établissement est la mission première de la Foi Bahá’íe. » Il savait donc que je n’abandonnerai jamais le gardiennat comme institution grâce à la vision et à la foi dont qu’il m’avait imprégné. Et finalement, il s’est rendu compte qu’Irène, mon épouse d’amour, m’épaulera toujours dans tout ce qui pourrait advenir.

  • Si nous voulons apprécier pleinement l’énoncé hautement significatif qu’il allait faire quelques minutes seulement suivant son allusion à son trépas, nous avons besoin d’examiner certains importants passages de son message historique proclamatoire du 9 janvier 1951. Ce message s’ouvre par ces mots: « Proclame aux assemblées nationales d’orient et d’occident, décision marquant lourdement l’avenir de la formation du premier Conseil international Bahá’í » et continue à acclamer cet événement comme « cette décision historique marquant un point significatif et sans pareil dans l’évolution de l’ordre administratif de la Foi de Bahá’u’lláh durant les trente dernières années. » Dans les lignes finales de cette seule et unique proclamation qu’il envoya durant son ministère, il salua « avec le cœur reconnaissant et plein d’allégresse, finalement, la constitution du Conseil international que l’histoire proclamera comme l’événement le plus grand, répandant l’éclat sur la deuxième époque de l’âge formatif de la Foi au lendemain de l’ascension de `Abdu’l-Bahá, occupant un rang secondaire seulement aux événements immortels et glorieux associés avec les ministères des trois Figures centrales de la Foi. »

    Aussi importante que cette proclamation se révèle être, il est douteux que quiconque parmi nous l’eut reconnu comme proclamation en tant que telle, celle-ci ayant été acheminée sous forme télégraphique. Quoiqu’il en soit, cette soirée où nous nous assîmes autour de la table en présence de Shoghi Effendi, quelque deux années suivant la délivrance de cette missive, il est peu douteux que l’importance primordiale que Shoghi Effendi relia à la formation du Conseil international fut déjà oubliée non seulement par les membres du Conseil eux-mêmes, qui étaient le plus directement affectés, mais aussi par presque toute la communauté Bahá’íe. Ceci est peut-être compréhensible en considérant les points suivants:

  • Le Conseil international n’avait pas encore été activé comme corps administratif fonctionnel. Le président de ce Conseil, Mason Remey, comme nous devions l’apprendre de sa part seulement quelques années plus tard, bien que ses co-membres du Conseil l’aient vivement recommandé à convoquer le Conseil, ne le fit point, celui-ci attendant les instructions de Shoghi Effendi qui ne devaient pas venir durant les ultimes années de son ministère. Aussi stupéfiant que ceci aie été aux membres du Conseil, les Bahá’ís du monde entier ne furent jamais au courant de ce fait hautement significatif et restèrent dans l’ignorance jusqu’à ce jour (non point qu’ils n’y aient pu concevoir par eux-mêmes une quelconque signification). Il n’est point surprenant que les membres du Conseil s’attendaient à ce que le Conseil soit activé, comme un examen supplémentaire de la proclamation de Shoghi Effendi révèle le fait qu’il l’avait adressé particulièrement aux assemblées nationales à travers le monde (et non aux amis de l’orient et de l’occident comme il le fit si souvent) et qu’il indiqua que l’une des principales considérations qui l’amena à prendre cette décision de créer le Conseil était « de l’actuelle maturité vigoureuse des neuf institutions nationales administratives fonctionnant à travers le monde Bahá’í. » Dans cet énoncé, reliant de façon administrative le Conseil international avec les assemblées nationales, il devient clair que Shoghi Effendi voulait que le Conseil international — « le Conseil suprême » dans le monde Bahá’í — lorsque activé comme corps administratif, exerce automatiquement une juridiction administrative sur les assemblées nationales, comme conseils subordonnés, une claire intention qui était destinée à être oubliée par les Mains de la Cause, suite au trépas de Shoghi Effendi.

  • Comme Shoghi Effendi n’avait point assumé la présidence du Conseil lui-même, il y avait une lourde tendance, semble-t-il, de considérer le Conseil comme une institution bornée chronologiquement au lieu d’un stade embryonnaire transitoire d’une seule institution, c’est à dire la Maison universelle de justice. Personne n’avait non plus réalisé pourquoi Shoghi Effendi avait si méticuleusement préservé le Conseil dans ce stade purement embryonnaire, allant même jusqu’à vous nommer comme « la liaison choisie » entre lui-même et le Conseil, symbolisant ainsi une sorte de cordon ombilical entre le Gardien et ce corps embryonnaire et excluant toute apparence de contact direct avec ou supervision de cette institution, comme corps.

  • Quelque onze mois suivant la formation du Conseil international Bahá’í, le premier contingent des Mains de la Cause fut nommé par Shoghi Effendi (incluant quelques membres du Conseil) suivi par un second contingent quelque deux mois plus tard. À la différence de l’état encore inactif du Conseil, les Mains furent immédiatement jetées sous la lumière des projecteurs au Centre international comme elles avaient visiblement participé, en tant que représentantes du Gardien, dans les conférences internationales autour du monde et dans d’autres activités qui leur apportèrent attention, publicité et acclamation mondiales. En effet, ces activités étaient si proéminentes qu’elles éclipsèrent inévitablement et assombrirent les activités du Conseil dont les membres n’accomplissaient que des travaux individuels assignés par Shoghi Effendi comme ils l’assistaient dans ses responsabilités en Terre sainte qu’il avait bien souligné dans sa proclamation. Comme cette situation continua jusqu’au trépas de Shoghi Effendi, il n’est pas surprenant que, avant peu, le Conseil international Bahá’í fut réduit à une place secondaire en comparaison avec les Mains dans l’esprit des croyants et dans l’esprit des Mains aussi, et tous perdirent de vue le fait que le Conseil international n’était rien de moins que la Maison universelle de justice, quoique dans sa forme embryonnaire. Et, selon `Abdu’l-Bahá,

  • « L’embryon possède dès le début toutes les perfections… tous les pouvoirs — mais ils ne sont pas visibles et le deviendront seulement par degrés. »

    Considérant la stature diminuée du Conseil dans nos esprits, à cause des raisons discutées plus haut, il est compréhensible que même les membres du Conseil, y compris son président, pour ne point mentionner Irène et moi-même, fûmes mal préparés à saisir les implications du second énoncé hautement significatif que Shoghi Effendi allait bientôt faire. Cet énoncé concernait le second stade dans l’évolution du Conseil comme souligné dans sa proclamation, à savoir la Cour internationale. Pour mieux apprécier les paroles de Shoghi Effendi prononcées il y a si longtemps, il serait d’un grand secours de les préfacer avec de brefs extraits d’un autre message importantissime qu’il envoya le 8 octobre 1952 (c’est à dire un peu plus d’un mois avant notre pèlerinage) à l’occasion propice du lancement de la « croisade mondiale spirituelle. » Dans ce message, qui incluait une énumération des buts de la croisade mondiale de Dix Ans, il cita: « L’établissement d’une Cour Bahá’íe en Terre sainte préliminaire à l’émergence de la Maison universelle de justice. » En corrolaire, il appela aussi l’établissement de « six cours nationales Bahá’íes dans les capitales de l’est musulman. » et « la codification des lois du Kitáb-i-Aqdas. » Il s’ensuivait qu’il s’avérera nécessaire pour les assemblées nationales de ces pays de se transformer en cours nationales comme cours subordonnées de la Cour internationale.

    Avec ces buts à l’esprit, nous sommes préparés à considérer la signification et les implications de l’énoncé suivant fait par Shoghi Effendi, comme le montrent mes Notes de Haïfa:

    « La Cour Bahá’íe devant être établie à Haïfa fonctionnera au commencement seulement pour le monde oriental où la loi religieuse est reconnue. Le président actuel du Conseil international Bahá’í deviendra alors son Juge. Le Gardien s’inclina alors vers Mason, lui offrit un sourire et demanda: Mason, es-tu prêt à devenir Juge? Rúhíyyih Khánum demanda alors lorsque le Conseil deviendra la Cour, les femmes devront-elles partir? Le Gardien dit: non pas même lorsque la Cour sera élue, mais bien seulement lorsque la Maison internationale de justice sera formée. »

    L’énoncé cité ci-haut de Shoghi Effendi et la question qu’il posa à Mason nous dit moult choses très importantes; nommément:

  • Des six membres du Conseil assis autour de la table, Shoghi Effendi choisit Mason en affirmant qu’il en sera le Juge (dirons-nous le Juge en chef). Je me souviens clairement avoir été rendu perplexe par cela, comme dans mon esprit, jusqu’alors, je considérais tous les membres du Conseil sur un pied d’égalité.

  • Shoghi Effendi a indiqué que Mason sera à la tête ou le Juge en chef du second stade dans le développement du Conseil international. Il s’ensuit que Shoghi Effendi nous disait aussi que Mason était la tête indétachable de cette institution embryonnaire (comme l’est la tête de n’importe quel organisme embryonnaire). Et, significativement, dans son second stade de développement, en tant que Cour, le Conseil serait nécessairement requis d’entrer dans un stade actif. En tant que sa tête inarrachable, Mason devait alors continuer à être le président à travers les stades successifs de développement du Conseil international, pourvu qu’il vive assez longtemps pour ce faire, jusqu’à ce que cette Cour atteigne sa pleine maturité sous la forme de la Maison universelle de justice. Comme présidence de ce corps et gardiennat sont des termes synonymes, Mason est, en ce temps aussi bien que dans ses stades actifs précédents, nul autre que le second Gardien désigné de la Foi, bien qu’en sa forme embryonnaire il ne l’ait été qu’en puissance.

  • Si le but de transformer le Conseil en Cour internationale Bahá’íe devait se réaliser pas plus tard qu’à la fin de la croisade mondiale de Dix Ans (c’est à dire 1963), ceci était une prédiction à la fois claire et sombre que Shoghi Effendi ne vivra pas au-delà de l’activation de la Cour, autrement, comme Gardien, il aurait à assumer la présidence de la Cour au lieu de Mason. Par conséquent, en affirmant que Mason deviendra « le Juge » de cette Cour, Shoghi Effendi prédisait en fait son trépas quelque part avant 1963. Pourrait-il y avoir quelque chose de plus clair que cela? Mais heureusement nous échouâmes à le percevoir et Shoghi Effendi savait bien que nous ne réussirions point.

  • Seul quelqu’un avec la perspicacité de Shoghi Effendi a pu concevoir une si ingénieuse façon de désigner son successeur « de son vivant » comme l’exige le Testament du Maître, pourtant en une telle manière voilée pour celer sagement cette désignation, pour des raisons déjà mentionnées, des croyants qui ne le percevraient point à cause de leurs fausses préconceptions concernant la question de la succession. De telles idées fausses incluaient les suivantes:

  • Que le Gardien, comme `Abdu’l-Bahá, désignerait son successeur dans un document écrit de type testamentaire.

  • Que si le fils aîné du Gardien ne remplissait pas les qualifications spirituelles nécessaires, la stipulation alternative dans le Testament du Maître affirmant: « alors il (le Gardien de la Cause de Dieu) doit choisir une autre branche pour lui succéder » signifierait que seul un descendant mâle de la lignée de Bahá’u’lláh pourrait alors être désigné.

  • Il suffit seulement de jeter un regard à la proclamation publiée par les Mains suite à leur premier conclave à `Akká, moins de trois semaines après le trépas de Shoghi Effendi, pour trouver ces idées fausses confirmant aussi leur ignorance évidente des dispositions du Testament du Maître. L’extrait suivant de cette proclamation illustre bien ce fait:

    « Il fut certifié que le bien-aimé Gardien n’avait laissé aucun héritier, les Aghsán (branches) étant tous morts ou ayant été déclarés violateurs du Covenant par le Gardien, pour leur infidélité au Testament du Maître »

    Naturellement, elles ne trouvèrent nul testament comme même un examen rapide du Testament du Maître `Abdu’l-Bahá montrera que si Shoghi Effendi avait laissé un testament, cela aurait été complètement contraire aux dispositions du Testament du Maître qui affirme clairement et en termes indubitables que: « Il incombe au Gardien de la cause de Dieu de désigner, de son vivant, celui qui deviendra son successeur, afin qu’après sa disparition, des différends ne puissent survenir. » (La phrase « de son vivant » étant superflue si un testament était prévu, étant donné qu’un testament ne peut être qu’écrit).

    Elles avaient également tort sur l’acceptabilité d’un héritier. N’ayant aucun fils, la disposition alternative contenue dans le Testament du Maître s’applique, exigeant du Gardien qu’il choisisse « une autre branche pour lui succéder. » Si les Mains avaient accordé à cette grave question mûre réflexion et étude approfondie, elles n’auraient pas interprété la phrase citée ci-haut signifiant que Shoghi Effendi ne pourrait que désigner un Aghsán pour lui succéder, et alors conclure que comme il n’y avait point de Aghsán à désigner, le gardiennat était désormais clos, quelque 36 années seulement après le commencement de l’ordre administratif.

    Dès le début de leurs discussions, les Mains se seraient alors demandées si `Abdu’l-Bahá, dans sa grande sagesse et à la lumière de tout ce que Bahá’u’lláh et Lui-même ont souffert comme résultat de la trahison et de l’infidélité de leurs parentés, aurait mis en danger la future continuité du gardiennat et ainsi l’ordre mondial de Bahá’u’lláh en ne limitant de futurs Gardiens dans leur choix d’un successeur qu’à un fils spirituellement qualifié ou un parent masculin de la lignée de Bahá’u’lláh.

    Deuxièmement, elles aurait aussi réalisé que faire une telle interprétation serait évidemment contraire à l’interprétation de Shoghi Effendi. Car, malgré le fait qu’il savait qu’il n’y avait pas de Aghsán qui pourrait être désigné comme son successeur, il travailla sans relâche à ériger et établir finalement les institutions administratives internationales de la Foi au Centre mondial et, en fait, quelque cinq mois avant notre pèlerinage pour Haïfa, il annonça dans un télégramme daté du 30 juin 1952 que « enfin, le mécanisme de ses institutions les plus importantes a été établi, et autour des Tombeaux les plus sacrés les organes suprêmes de son ordre en éclosion se déploient dans leur forme embryonnaire. » Encore, aussi tardivement que le 27 novembre 1954 (quasiment deux années après le jour où il nous fit allusion que son trépas était proche), il expédia ce télégramme dans lequel, après s’être référé aux préparations pour l’érection des « Archives internationales Bahá’íes dessinées par la Main de la Cause, Mason Remey, président du Conseil international Bahá’í, » alla jusqu’à affirmer que « l’érection de cet édifice annoncera à son tour au cours des successives époques de l’âge de formation de la Foi, de plusieurs autres structures qui serviront comme sièges administratifs pour les institutions divinement désignées du gardiennat, des Mains de la Cause et de la Maison universelle de justice. » Le Gardien allait-il être accusé de fourvoyer les croyants à travers le monde en faisant référence à ces futurs sièges administratifs du gardiennat et des Mains de la Cause?

    À la lumière de ce qui précède, les Mains auraient dû conclure inévitablement qu’elles devaient chercher une autre interprétation au terme « branche » employé dans le Testament du Maître. Ayant réalisé cela, un réexamen des écrits de Bahá’u’lláh et `Abdu’l-Bahá leur aurait montré la prééminence placée pour les relations spirituelles au-dessus des relations physiques ou de sang. Par exemple:

  • Dans le Kitáb-i-Íqán, Bahá’u’lláh, à plusieurs endroits, se réfère à Sádiq, le sixième Imám, comme « le fils de Muhammad », ce qui signifie évidemment un fils spirituel.

  • Dans Les leçons de Saint-Jean-d’Acre, `Abdu’l-Bahá affirme que:

  • « Or, Muhammad était le tronc et `Alí la branche, comme Moïse et Josué », ces deux branches dénotant clairement une relation spirituelle au Prophète. De façon similaire, il peut être perçu que Bahá’u’lláh est « la Racine ancienne », `Abdu’l-Bahá, « la plus grande Branche » ou « branche primordiale » de celle-ci, (une relation spirituelle dans ce cas-ci) et que les Gardiens successifs sont « les branches spirituelles, rameaux ou rejetons de cette plus grande Branche de ‘ l’arbre du Covenant ’. »

    Leur quête les aurait de plus confirmé leur propre foi dans le Covenant de Bahá’u’lláh et dans l’immortalité du Testament que nous octroya le Centre du Covenant. Elles auraient noté que Shoghi Effendi glorifie le « chef-d’œuvre divin » de `Abdu’l-Bahá comme « la plus brillante émanation de Son esprit », « Son plus grand héritage à la postérité », « la Charte du nouvel ordre mondial », et « le rejeton obligé résultant de cette communication mystique entre celui qui a transmis l’influence génératrice de son dessein divin et celui qui fut son véhicule et son dépositaire choisi » — ce rejeton divinement conçu étant « l’Enfant du Covenant » et, par conséquent, « Leur Testament ».

    De manière plus significative, elles auraient noté que Shoghi Effendi affirme que le Livre le plus saint de Bahá’u’lláh, le Kitáb-i-Aqdas et le Testament du Maître sont les « parties inséparables d’un seul et même tout », indiquant clairement de cette façon que chaque clause du Testament du Maître est sacro-sainte et immuable tout comme les lois du Kitáb-i-Aqdas lui-même sont inchangeables, et par conséquent ce Testament ne pourrait être altéré, abrogé ou déclaré invalide aussi longtemps que durera la dispensation de Bahá’u’lláh.

    Leurs esprits emplis de joie et libérés d’une obsession avec des liens sanguins et sachant désormais que chaque clause du Testament de `Abdu’l-Bahá demeurera inviolable, les Mains auraient alors conclu que leur seul et unique devoir était de trouver celui que Shoghi Effendi avait désigné durant sa propre vie comme son successeur.

    Si le scénario ci-haut avait eut lieu, les Mains n’auraient pas pris sur elles-mêmes d’établir une organisation de leur propre invention, complètement étrangère aux dispositions du Testament du Maître, avec le titre « Mains de la Foi en Terre sainte » sur laquelle elles conférèrent l’autorité de diriger les activités mondiales de la Foi comme une tête substitutive collégiale pour le gardiennat en instance, comme elles l’ont annoncé, la formation d’une Maison universelle de justice sans Gardien et, par conséquent, décapitée et de nom seulement, à être élue en 1963, incidemment contournant les deux stades essentiels (desquels la Cour en était un) que Shoghi Effendi prescrivit dans sa proclamation du 9 janvier 1951. Et le système divinement institué que nous a octroyé le Maître n’aurait pas été démembré et disloqué au point de le rendre méconnaissable — « cet unique et merveilleux système, dont les yeux mortels n’avaient jamais vu l’équivalent. »

    Peut-être alors, soit vous-même, Mason ou Leroy, qui étiez présents à la table de Shoghi Effendi cinq années auparavant lorsqu’il avait discuté de l’évolution du Conseil international Bahá’í, vous vous seriez rappelé cette conversation et l’auriez porté à l’attention de cette réunion des Mains. Mason, étant un homme très humble et pas très assuré dans le sens de se mettre en avant, aurait été peu disposé à le faire, mais vous et Leroy auriez pu, et vous particulièrement possédiez la chance inouïe de les amener à permettre au Conseil international d’assumer le rôle envisagé par Shoghi Effendi au moins à travers son second stade de développement comme Cour internationale avec Mason comme Juge en chef. Si ce développement avait eu lieu, elles auraient alors réalisé que cette institution était la seule dotée de l’autorité d’administrer les affaires mondiales de la Foi et d’exercer une juridiction administrative au-dessus des neuf assemblées spirituelles nationales que Shoghi Effendi cita dans sa proclamation du 9 janvier 1951.

    En outre, si les Mains avaient permis à cette Maison universelle de justice embryonnaire d’être activée comme corps fonctionnel, elles auraient pu éventuellement se souvenir et réaliser la signification des paroles de `Abdu’l-Bahá concernant l’embryon possédant « dès le début toutes les perfections, en un mot tous les pouvoirs. » Si leur quête avait été diligente, elles auraient pu avoir noté que Mason écrivit une lettre, comme président du Conseil, à l’Assemblée spirituelle nationale des États-Unis le premier juillet 1952 (c’est à dire pendant que Shoghi Effendi était encore en vie), signée par Mason et contresignée par Leroy, en tant que secrétaire général du Conseil, dans laquelle il se référait à l’Arche mentionné dans la Tablette du Carmel et affirmait:

    « Arche signifie les lois de Dieu et fait référence à la Maison universelle de justice, son embryon étant le présent Conseil international Bahá’í. »

    Peut-être que finalement la réalisation aurait poind sur elles que Mason, comme tête embryonnaire du Conseil international désigné par Shoghi Effendi et désormais sa tête active suite à l’émergence du Conseil dans la vie réelle, ne pouvait être que le second Gardien de la Foi. Elles lui auraient alors joyeusement souhaité la bienvenue et l’embrasser comme Gardien de la Foi et annoncer cette bonne nouvelle au monde Bahá’í. Hélas! Il n’allait pas en être ainsi.

    Il y a ceux qui arguèrent que comme Mason avait acquiescé à l’organisation sans Gardien établie à Haïfa et comme il avait même accepté d’être membre dans leur corps de neuf Mains dirigeant les affaires mondiales de la Foi, ceci prouverait qu’il n’aurait pu être le second Gardien de la Foi. Ceux-là ne diraient pas cela s’ils avaient lu les trois appels qu’il envoya à ses Mains consœurs durant cette période de ne pas abandonner le gardiennat ou bien son journal personnel intitulé Observations quotidiennes dans lequel il rapporte ses remontrances répétées aux neuf Mains à Haïfa, desquelles vous devez bien être au courant, les prévenant de ne pas répudier le Testament du Maître et de faire respecter l’essentialité du gardiennat. Il faut reconnaître qu’il n’a pas, lui-même, au début, perçu la relation entre sa présidence du Conseil international en tant que la Maison universelle de justice embryonnaire et le gardiennat, et ne le fit finalement qu’après quelque deux années et demie suite au trépas de Shoghi Effendi. Ce fut alors, comme vous le savez, qu’il refusa de rester membre de cette organisation plus longtemps et quitta de façon permanente Haïfa. C’était dans son voyage de retour à bord du paquebot vers les États-Unis qu’il commença à écrire son appel final à ses Mains consœurs et la réalisation luit sur lui pour la première fois sur la signification de sa désignation comme président du Conseil international et la raison pour laquelle Shoghi Effendi n’avait pas permis à ce Conseil de devenir un corps fonctionnel administrativement durant les années finales de son ministère (significativement le seul dans le monde Bahá’í à le réaliser). D’aucuns pourraient considérer ce laps de temps de neuf années entre la désignation de Mason en tant que président du Conseil en 1951 et la délivrance de sa propre proclamation à Ridván 1960 comme une période de gestation spirituelle avant qu’il ne devienne finalement conscient de sa nouvelle station spirituelle. Le fait que Shoghi Effendi choisisse un homme âgé de plus de vingt années que lui pour être son successeur n’est pas à nous à mettre en question. Dans mon propre esprit, je ne peux concevoir quelqu’un plus digne que Mason comme il a prouvé sa fidélité exemplaire et sa loyauté insurpassée au Covenant de Bahá’ulláh depuis les jours du Maître et dont les services à la Foi depuis lors vivront éternellement dans les annales de la Foi. Il n’y avait certainement personne plus différent que Shoghi Effendi pour être son successeur mais cela, en lui-même, est significatif comme il sert à mettre l’emphase sur la distinction que nous devons toujours faire entre la personnalité du Gardien et la réalité de l’institution du gardiennat.

    Dans la hâte injustifiée que les Mains montrèrent en closant le gardiennat, il ressort qu’il pourrait y avoir celles, pour des raisons qui leur sont propres, ne voulaient vraiment pas la continuation du gardiennat. Dans votre propre cas, par exemple, il y avait des spéculations selon lesquelles vous ne seriez pas préparée à accepter quiconque à la place de Shoghi Effendi ni à renoncer à la position que vous jouissiez comme première Dame de la Foi Bahá’íe avec son prestige, son pouvoir, son influence les accompagnant. Cela est difficile à croire mais il est également incroyable que vous qui étiez une telle championne tenace et fidèle du gardiennat et qui aviez rendu un tel hommage au Gardien dans votre ouvrage intitulé: 25 ans du gardiennat abandonneriez si facilement le gardiennat suite à son trépas. Il est encore plus surprenant que le fait que vous et vos Mains consœurs, sauf une, ayez succombées à la doctrine diabolique, insidieuse et pernicieuse de « Badaá » d’abord promulguée par les Mains persanes; une doctrine qui affirmerait, assez incroyablement, que Dieu aurait changé d’idée concernant la continuité du gardiennat dans ce « jour de Dieu »,« ce jour qui ne sera point suivi par la nuit » — et qui fut décrété en conséquence que l’ordre mondial de Bahá’u’lláh ne serait pas établi dans toute sa perfection et gloire — le royaume de Dieu « sur la terre comme au ciel » si longtemps promis, supplié et attendu.

    Essayons de visualiser l’effroyable situation qui existerait dans le lointain futur lorsque ces Bahá’ís qui connurent, travaillèrent avec et aimèrent Shoghi Effendi auront depuis longtemps disparus, lorsque le Testament du Maître sera considéré comme tombé en décrépitude et les croyants seront complètement conditionnés à une Foi sans les indications, la direction et la protection du Gardien vivant de la Foi, assisté de ses Mains désignées. La Foi n’aurait-elle alors pas à faire face à de terribles périls et à être exposé à de la corruption de toute sorte? La pseudo « Maison universelle de justice » trouverait nécessaire d’éradiquer toute référence au gardiennat de crainte que cela expose jusqu’à quel point l’ordre administratif Bahá’í, comme dépeint par le Maître, fut déformé. Pour ce faire, elle aurait à détruire dans certains cas ou retrancher dans d’autres, ces écrits de Shoghi Effendi sur l’ordre administratif et son origine divine comme trouvés dans La dispensation de Bahá’u’lláh ou dans Dieu passe près de nous dans le chapitre intitulé: « Avènement et instauration de l’ordre administratif. » En fait, pas plus de trente années suivant le trépas de Shoghi Effendi, des efforts ont été déjà accompli pour rabaisser l’importance du Testament du Maître et conditionner les Bahá’ís à la vue que l’institution du gardiennat ne serait pas essentielle à l’ordre mondial de Bahá’u’lláh, utilisant l’argument spécieux que cette institution n’était pas mentionnée explicitement par Bahá’u’lláh dans Ses écrits. Pourtant, en même temps et de façon inconsistante, le même concept également fallacieux est imposé aux croyants selon lequel Shoghi Effendi continuerait de remplir les fonctions du gardiennat de l’autre monde, en ne tenant aucunement compte du fait que le Centre du Covenant, Lui-même, est de ce monde et qu’Il a fait du gardiennat une fonction d’ici-bas dans Son Testament.

    Déjà, et nonobstant une loyauté continue professée à Shoghi Effendi, les normes qu’il a établies sont désormais corrompues. Prenez, par exemple, les qualifications d’un croyant qu’il a établies, aussi loin qu’en 1925 qui incluaient, assez significativement, « une fidèle adhésion à chaque clause du Testament de notre Bien-Aimé. » Non seulement cette clause est dépourvue de toute signification pour ceux qui ont renoncé au gardiennat, mais aussi pour les autres conditions requises. Comme preuve choquante de cela, j’ai récemment vu un programme télévisé au sujet de la Foi qui incluait un épisode montrant un groupe de jeunes Bahá’ís engagés dans un voyage d’enseignement en Caroline du Nord. À ma complète stupéfaction et incrédulité, après qu’ils avaient passé que quelques minutes à parler des principes de la Foi à une femme noire assise sur sa véranda, ils lui présentèrent une carte de déclaration Bahá’íe et lui demandèrent de la signer. Le grand danger, lié à de telles pratiques, qui menace la Foi saute au yeux.

    Nul doute dans mon esprit que les érudits sérieux et spirituels de la Foi, dans le futur, qui seront bien versés dans les écrits et communications de Shoghi Effendi, pourvu qu’il puissent toujours les obtenir, percevront inévitablement que Shoghi Effendi, ayant dédié sa vie à l’exécution fidèle des trois Chartes divines de la Foi, a, finalement, dans les années concluantes de son ministère, érigé, comme il l’a si joyeusement annoncé, les « plus hautes institutions » de « l’ordre en éclosion » de Bahá’u’lláh dans leur forme embryonnaire, « la fédération mondiale embryonnaire de Bahá’u’lláh » comme il l’a annoncé dans sa toute dernière communication au monde Bahá’í en octobre 1957. Ces érudits réaliseront que Shoghi Effendi aurait été incapable de faire autre chose que de rester complètement fidèle à tous les mandats laissé par le Maître et aurait, sans aucun doute, désigné son successeur « de son vivant ». Ils saisiront de plus ce qu’une majorité de croyants dans le monde Bahá’í ont si tristement échoué à comprendre la manière par laquelle Shoghi Effendi a rempli cette exigence archi-importante assignée au Gardien par le Maître. Et finalement, ils chercheront et trouveront immanquablement le Gardien vivant de la Foi.

    Shoghi Effendi a-t-il vu d’avance, lorsque nous nous rencontrâmes il y a tant d’années, qu’un jour, aussi inconcevable que cela puisse alors avoir semblé, je trouve nécessaire de composer une lettre comme celle-ci, attirant votre attention à ses énoncés et actions passés dans lesquels il indiqua clairement et indéniablement que le gardiennat ne serait pas clos avec sa mort. Je me sens rassuré que Shoghi Effendi et vos parents bien-aimés dans l’autre monde se réjouiront que j’aie fait cet effort, aussi difficile que cela m’ait été, pour vous éveiller à l’erreur tragique et grave que vous avez commise en abandonnant le gardiennat et en répudiant le Testament de `Abdu’l-Bahá. En effet, combien il est triste, tragique et ironique que vous soyez devenue un parti, quoique probablement involontaire, menant à la destruction des travaux de Shoghi Effendi menés avec tant de dévotion, d’ardeur et de sacrifice durant le cours de son ministère pour établir l’ordre administratif de Bahá’u’lláh comme dépeint dans la Charte divine pour nous par « l’architecte accompli du monde. »

    Bien que je ne m’attende point à recevoir de réponse à cette lettre, il est mon fervent espoir qu’elle vous aura rendu capable de percevoir la preuve écrasante qui démontre qu’il s’agissait bien de l’intention et du but de Shoghi Effendi de préserver la continuité du gardiennat en fidèle conformité aux dispositions du Testament du Centre du Covenant et qu’il l’a fait mais en une façon si voilée qu’elle ne fut point perçue par quiconque parmi nous pour les raisons évidentes indiquées dans cette lettre. Non! L’immortel « Enfant du Covenant » n’est pas trépassé après une courte vie de seulement 36 ans, mais il vivra aussi longtemps que la dispensation de Bahá’u’lláh durera.

    Réalisant combien difficile il est pour vous d’admettre que vous avez gravement erré dans votre abandon du gardiennat et perdu foi dans les caractères immortel et immuable du Testament du Maître, j’ose encore espérer que vous laisserez au moins une quelconque forme d’énoncé testamentaire urgeant les croyants à rouvrir et réexaminer la question de la continuité du gardiennat sur la base des informations et arguments présentés ici.

    Bien que les forces assaillant maintenant le puissant et irrésistible Covenant de Bahá’u’lláh et l’Enfant de ce Covenant soient terribles et écrasantes, incluant comme elles le font, pour la première fois dans l’histoire de la Foi, les institutions mêmes dépeintes par le Maître pour protéger et propager la Foi, ce Covenant prévaudra certainement contre elles et émergera ultimement victorieux.

    Il n’y a pas de fin plus convenable qui pourrait clore cette lettre que cette citation suivante tirée de l’immortel ouvrage de Shoghi Effendi, La dispensation de Bahá’u’lláh:

    « Que personne, alors que ce système est encore dans l’enfance, ne se méprenne sur son caractère, n’amoindrisse son importance ou ne dénature son but. La base sur laquelle est fondé cet ordre administratif est l’immuable dessein de Dieu pour l’humanité en ce jour. La source d’où cet ordre tire son inspiration n’est autre que Bahá’u’lláh Lui-même. Son bouclier et ses défenseurs sont les armées rangées du royaume d’Abhá. Sa semence est le sang de non moins de vingt mille martyrs qui ont fait le sacrifice de leur vie pour qu’il puisse naître et prospérer. L’axe autour duquel gravitent ses institutions, ce sont les dispositions authentiques du Testament de `Abdu’l-Bahá. »

    Finalement, je trouve consolation et espoir dans les paroles suivantes de Bahá’u’lláh:

    « Rien dans le royaume de la terre et du ciel ne peut empêcher d’accomplir ton but; personne à travers les royaumes de la révélation et de la création ne peut prévaloir contre toi. »

    Fidèlement au service du Covenant,

     

    Joel Bray Marangella

    Gardien de la Foi Bahá’íe


    P.S.: Tous les mots et phrases cités, à moins d’avis contraire, ou reconnus d’office comme ceux d’autres, sont de Shoghi Effendi.

    Emphase ajoutée où jugée nécessaire pour d’évidentes raisons.

    JBM

    Traduction anglais-français

    par

    Martin Lavallée